La virée parisienne des salariés de Stora Enso Corbehem comme si vous y étiez

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Par PAR BENOÎT FAUCONNIER (Photo Pascal Bonnière)

Hier, environ trois cent cinquante personnes, des salariés de la papeterie de Corbehem et des élus du secteur d’Osartis-Marquion, ont fait le déplacement à Paris, dans six bus mis à disposition par la communauté de communes. Les manifestants voulaient faire entendre leur voix au siège français de Stora Enso, à La Défense, et au ministère du Redressement productif, à Bercy.

À Bercy, les papetiers ont blanchi les abords du ministère, sans pouvoir accéder au bâtiment.VDNPQR

Vers 7 h.- Le cortège de six bus remplis se met en route. Dans les soutes, des sandwichs et des boissons, pris en charge par la communauté de communes Osartis-Marquion, mais aussi, et c’est plus insolite, des sacs en plastique et des chariots remplis de chutes de papier. Ces chariots ont été modifiés par le service maintenance de la papeterie pour pouvoir entrer dans les soutes. « Comme la machine est à l’arrêt, ça nous laisse le temps de nous organiser », plaisante un salarié.

10 h 25.- Arrivée des six bus devant la tour Europlaza, dans le quartier de La Défense. Les deux accès à l’immeuble sont condamnés par de la rubalise. Les habitués de la tour y accèdent par une porte sur le côté. Un comité d’accueil de la Filpac CGT est en place. Les forces de l’ordre sont quasi invisibles. On comprendra pourquoi un peu plus tard…

10 h 45.- Les premières chutes de papier s’envolent déjà et les pétards flambent quand Marcel entonne son désormais célèbre « Aux armes ! ». Le parvis de la tour Europlaza est entièrement tapissé de blanc.

Vers 11 h 15.- Il y a du mouvement près des accès à la tour Europlaza. Les papetiers y sont rassemblés en masse et aimeraient bien pénétrer dans l’immeuble. Dans le hall, la sécurité a masqué le nom de Stora Enso. Finalement, une délégation est accompagnée pour monter vers les bureaux de Stora Enso… désertés. À l’étage, l’accueil est assuré par des CRS, qui ont investi l’immeuble. Christophe Sauvage, le secrétaire du comité d’entreprise, a lu une pancarte, expliquant que les bureaux étaient exceptionnellement fermés le 20 février… « Pas même une personne pour nous recevoir », bougonne Pierre Georget, le président de la communauté de communes Osartis-Marquion. « Stora ne joue pas le jeu. Ils pouvaient faire venir une petite délégation. Ils pouvaient nous recevoir, on n’est pas des voyous », dit, dépité, un salarié. « Il y a cinquante personnes dans les bureaux, ils sont tous en congés », ironisait un salarié. « M. Munoz ne sera pas en congés toutes les semaines. Il devra bien nous recevoir », râle Christophe Sauvage, qui voulait demander au président de Stora Enso France « si le groupe est vraiment prêt à vendre. Je ne suis pas sûr que la volonté du groupe soit de vendre ».

Peu avant midi.- Prise de parole d’élus devant l’immeuble. Les mots « coup de poing » de Pierre Georget ont ému des papetiers jusqu’aux larmes, l’élu racontant l’histoire d’enfants tombés en larmes devant des institutrices, dans une école, expliquant que « papa » perdrait son travail chez Stora Enso. « Ils ont touché la sensibilité des enfants », s’insurge Pierre Georget. « Même l’humain, ils s’en fichent », dit-il. Le député Jean-Jacques Cottel rappelle le cheminement « politique » de l’affaire et le boulot du ministre. Le conseiller général communiste, Martial Stienne, milite, lui, pour la préemption de l’usine, après avoir demandé aux présidents des conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais de demander à leurs services juridiques d’étudier la question. Et si une loi ne le permet pas, il faut la créer ! « Quand un père de famille n’est plus capable, on place les enfants, on lui retire le droit parental. Là, on retire à Stora Enso son droit de propriété », estime le conseiller général, pour qui « la machine est boulonnée sur le territoire, elle doit y rester boulonnée ».

13 h 15.- Sous escorte policière, les six bus quittent La Défense, direction Bercy. Le quartier du ministère de l’Économie et des Finances est vite atteint. Dans le bus, ça rigole, ça chambre. « Qu’est-ce qu’elle est large, la Scarpe ! », rigole un papetier quand le bus franchit la Seine.

14 h 15.- Cordon de CRS à quelques mètres de l’entrée du ministère de l’Économie et des Finances. Quartier bouclé. La rue et le boulevard de Bercy sont blanchis. Les papetiers s’attaquent même au palais omnisports de Paris-Bercy et à une pente de toit végétalisée. Du papier blanc apparaît sur le vert du gazon. Le papetier qui est grimpé au sommet s’offre une descente sur les fesses, comme en luge !

15 h 15.- Une délégation composée d’élus (Pierre Georget, Dominique Bertout, Jean-Jacques Cottel), du directeur du service économique d’Osartis-Marquion, Stéphane Comble, et de membres de l’intersyndicale, pénètre au ministère. Elle en ressort une heure plus tard, après avoir été reçue par trois collaborateurs du ministre Montebourg. La principale information : un dossier de reprise pourrait être formalisé dans quelques jours et les deux autres en mars. Mais une éventuelle reprise pourrait ne pas aboutir si la question du préjudice, réclamé par les salariés à Stora Enso, n’est pas réglée. C’est la douche froide, et la confusion. Parfois la colère qui s’empare de quelques salariés. « On ne fera rien sans vous. Continuons la bataille, restons unis », hurle Christophe Sauvage. L’assemblée générale prévue lundi, à 14 heures, sous le chapiteau devant l’usine, risque d’être tendue.